Bouchée de tapioca aux crevettes à la vapeur
Cela doit faire un mois que je n'avais pas publié de nouvelle recette, tant il est vrai que je n'ai pas beaucoup cuisiné ces temps derniers. Ce fut d'abord cette coupure impromptue de GDF, puis l'envie furieuse de ma femme de cuisiner, et enfin, le travail, qui a systématiquement rempli mes fins d'après-midi. Alors vendredi dernier, j'ai fait de grandes courses à Belleville, rempli mon frigo, et dressé un plan d'attaque pour la semaine, et me voici de retour.
Au programme, Banh Bot Loc, Banh Nam et Ban Beo. J'ai réquisitionné les enfants, et nous avons passé 4 heures en cuisine pour préparer ce repas.
Je n'ai pas trouvé de traduction pour ce plat typique de la cuisine de Hué : Bouchée de manioc aux crevettes me semble ce qu'il y a de plus approchant.
En passant devant mon poissonnier ce matin, j'ai eu la très heureuse surprise de trouver des petites crevettes grises vivantes.
C'est rarissime, et je me suis dépêché d'en réserver, pensant déjà aux milles et une façons de les agrémenter. Aussi, j'ai attaqué ce soir un repas de Hué, en ressortissant le vieux cahier de cuisine de ma grand-mère paternelle, histoire de revisiter mes classiques : les vapeurs de Hué.
Mise à jour (26.10.09): Je me souviens d'une salade dégustée en pays Isaan, du côté de Loei, une salade de crevettes crues vivantes. ça sautillait de partout dans l'assiette, et le pire c'était qu'ayant raté quelques crevettes au mâchage, je sentais ces dernières sautiller dans mon oesophage. Assez désagréable à vrai dire.
Chaque fois que mes parents ou mon beau-père revenait du Vietnam, ils passaient immanquablement par Cho Banh Than, le grand marché de Ho Chi Minh, histoire de rapporter quelques spécialités locales, et surtout des Banh Bot Loc et des Banh Nam. C'est donc autour de ces deux plats que les voyages se débrief en famille.
Pourtant quand on servait ces plats, le
Banh Beo faisait cruellement défaut, tant ce triptyque est un modèle d'équilibre des saveurs, mais il faut dire que ce dernier ne s'emporte pas aussi facilement dans les bagages à main. Aujourd'hui, mes Banh Beo n'ayant rien à envier à ceux que l'on trouve "là-bas", et les enfants étant passés maîtres dans la préparation du coton de crevettes, il me suffit d'une petite heure pour sortir ce plat.
Ingrédients (pour une trentaine de bouchées)
- 200 gr de poitrine fraîche maigre
- 2 cas d'huile d'arachide
- 1/2 cas de sucre en poudre
- 1 cas de graines d'anetto
- 30 petites crevettes
- 1/2 cas de sucre en poudre
- 1 cas de poivre noir fraîchement moulu
- 2 cas de sauce Nuoc Mam
- 1 échalote hachée
- 1 bol de farine de Manioc (tapioca)
- 2 bols d'eau froide
- Feuille de bananier
Préparation- Commencer par étêter les crevettes, en gardant la carapace (je ne l'ai pas fait aujourd'hui, et les antennes sont assez désagréables dans le gosier)
- Les faire mariner dans 2 cas de Nuoc Mam, 1/2 cas de sucre en poudre, l'échalote hachée et 1 cas de poivre noir fraîchement moulu. C'était assez marrant je dois dire, de voir les pauvres crevettes sursauter dans le Nuoc Mâm
- Préparer ensuite la pâte. Pour cela, dans une jatte, verser 1 bol de farine de manioc, et incorporer doucement les 2 bols d'eau froide. Remuer constamment pour éviter la formation de grumeaux. Laisser reposer une heure.
- Emincer finement la poitrine fraîche de façon obtenir des morceaux de 1 x 1,5cm
- Dans une poêle, faire chauffer 2 cas d'huile d'arachide, et quand l'huile est chaude mais pas trop, ajouter à feu moyen 1 cas de graines d'anetto
- Lorsque les graines ont bruni et que l'huile a pris une belle coloration orange, extraire les graines d'anetto.
- Relever le feu et ajouter le porc, et faire cuire la viande en remuant constamment. Lorsque le porc est devenu ferme, réserver dans un bol
- Faire chauffer une couscoussière pour la cuisson à la vapeur, et découper dans les feuilles de bananier, des rectangles de 20x10cm. Découper dans les chutes des lanières pour ficeler les paquets.
- Une petite astuce : les feuilles de bananier sont craquantes, et pour les rendre plus flexibles, et donc faciliter le roulage, on peut les ramollir en les faisant cuire quelques minutes à la vapeur.
- Sur un rectangle de feuille de bananier, côté clair sur le dessus, et côté brillant sur le dessous, déposer avec une cuillère une noix de pâte de manioc. Sur la pâte, disposer un morceau de viande et une crevette. Sur la photo, j'en ai mis trois, mais réflexion faite, un c'est mieux.
- Refermer alors le paquet en le roulant de façon à obtenir un cylindre. Refermer les extrémités, et fixer le pliage à l'aide d'une lanière de feuille de bananier.
Rouler ainsi la trentaine de paquets, et les réserver au frigo. Vous pouvez alors passer à la confection un peu plus compliquée des Banh Nam.
Pour la cuisson, placer la couscoussière sur un feu vif, disposer les Banh Bot Loc dans le compartiment supérieur et couvrir. La cuisson dure 20 minutes. Ce qui est très pratique avec ce plat, c'est qu'on peut conserver les Banh Bot Loc au frigo une bonne semaine. Avant chaque service, il suffira, soit de les réchauffer à la vapeur, soit de les rouler dans du cellophane et les passer quelques minutes au micro-onde.
A vrai dire, mieux vaut attendre une journée avant de les déguster (c'est dur), car cela développera le goût de la feuille de bananier, et le plat n'en sera que meilleur.
Pour le service, il faut un Nuoc Mam spécial, le même que pour le
Banh Beo, c'est à dire un Nuoc Mam aux crevettes. D'où l'intérêt de servir tous ces plats ensembles, sans compter que la variété des bouchées à la vapeur participe de ce fameux équilibre des saveurs évoqué précédemment.
J'ai vu que dans certains restaurants, les Banh Bot Loc sont servis avec des échalotes et de l'ail grillés. Parfois aussi, une feuille de coriandre est ajoutée dessus. Je pense personnellement que c'est une erreur, car ce mélange est trop fort et masque la subtilité des arômes de ce plat. Bon, c'est sûr que si les Banh Bot Loc ne sont pas cuits dans la feuille de bananier, que le Nuoc Mam est un simple Nuoc Mam de base , il n'y a pas grand chose à masquer..
Par contre l'idée du coriandre est intéressante. Maintenant, je vous garantis que la recette que je vous livre ici me vient en lignée directe de ma grand-mère native de Hué, et qu'il n'y a pas plus authentique.
Alors c'est vrai que cela demande un peu de temps, mais pensez que ce plat est quasiment introuvable (depuis la fermeture du regretté "Hué Impériale" à Paris) en restaurant, et que c'est la garantie d'un repas mémorable.
Demain, je publierai la
recette du Banh Nam.