Tous les soirs au Laos, nous avions une tradition à Vientiane, celle de se retrouver sur une Sala (terrasse en bois) sur le bord du Mékong, afin de débriefer la journée, retrouver les amis et en rencontrer de nouveaux. Invariablement la table se couvrait alors de petites assiettes de Salade de papaye, de saucisses Lao, de Som Mou (Nem Chua en viet, ce qui correspond à du porc cru fermenté) le tout copieusement arrosé de bière Lao.
J'en ai passé des heures sur la Sala Kunta qu'Alain Thiollier alors attaché culturel de l'Ambassade de France avait permis d'ériger en face de chez lui en faisant don à une famille Lao, du bois de ce gigantesque Banyan Tree abattu dans son jardin. Il y avait posé une seule condition : que la musique s'arrête à son arrivée, car très vite cette belle terrasse est devenue une annexe de l'ambassade.
J'ai retrouvé une vielle photo de 90 d'un début de soirée venteux sur la Sala Kunta, qui immortalise la signature du contrat de la bibliothèque nationale avec Geoffroi, Alain et moi-même, complètement hilares et entourés d'innombrables bouteilles de bière.
La salade de Papaye est le plat emblématique du Laos. Là-bas, on l'appelle Tam Mak Hung (ethymologiquement Taper le fruit du papayer), alors qu'en Thailande, on l'appelle Tam Som, la principale différence tenant à l'utilisation du Pa Dhek déjà évoqué dans un article précédent. Le plat est emblématique, car lorsqu'en Thaïlande je dis que je suis Lao (ou Thaï isaan), invariablement on me répond dans l'hilarité générale : et tu manges le Tam Mak Hung avec du Pa Dhek ?
Ainsi, de l'autre côté du Mékong, on cuisine ce plat avec du Nuoc Mam, ce qui est beaucoup plus fade. La difficulté, évidemment, c'est de trouver du Pa Dhek en France. Personnellement, je le rapporte directement du marché de Vientiane.
Il existe un nombre infini de variantes à ce plat dont:
- avec des vermicelles de riz
- avec du concombre à la place de la papaye verte (Tam Mak Teng)
- avec des crabes fermentés et de la sauce de crabe (Nam Pou) pour les originaires de Luang Pra Bang
pour ne citer que celles-là.
Quand je pense salade de Papaye Lao, personnellement quelques goûts très caractéristiques me montent immédiatement en bouche :
- le goût du zeste de citron pilé avec sa peau
- la papaye verte bien croquante
- le goût un peu sucré de la sauce de crabe (Nam Pou que l'on trouve dans les épiceries asiatiques)
A noter qu'en Thaïlande, on y ajoute des crevettes séchées, des haricots long émincés et des cacahuètes, mais franchement, ce n'est pas le même plat.
Quand à la garniture du plat, on trouve obligatoirement de la couenne de porc frit (Khep Mou en vente dans les épiceries asiatiques et brésiliennes), des tiges de liserons d'eau croquantes, et éventuellement quelques feuilles de chou.
Voici donc la recette que je trouve la plus authentique, et que l'on peu goûter au restaurant Duang Chan à Paris 13ième.
Ingrédients
- Une demi papaye verte
- 2 carottes
- 6 tomates cerises bien sucrées
- Un citron vert avec sa peau
- 1 cas de sucre en poudre
- une ccf de pâte de crabe (Attention, utiliser du Nam Pou et pas du Kapi, c'est du crabe mais ça n'a rien à voir tant l'un est salé et l'autre sucré)
- 4 cas de Pa Dhek (que l'on peut remplacer donc par du Nuoc Mam pfff..)
- 3 gousses d'ail
- 2 petits crabes fermentés que l'on trouve congelé à Paris Store
- 1 à 4 piment rouges (franchement, pour Paris, un seul piment suffit)
- Pour la garniture, et par ordre d'importance : un sac de couenne de porc frite, quelques tiges de Liserons d'eau (Phak Bong) et quelques feuilles d'une boule de choux.
- 1 pincée de sel
Préparation
La préparation se fait dans un mortier juste avant de servir, sinon l'ail sera trop fort et la papaye moins croquante. On ajoutera les ingrédients un par un en mélangeant en permanence avec une cuillère. Si vous êtes déjà allés au Laos ou même en Thaïlande, alors vous avez forcément observé un jour ce geste gracieux et immémorial de la jeune fille préparant la salade de papaye.- Commencer par râper la papaye et les carottes après les avoir épluchées. Si vous avez un couteau spécial que l'on trouve dans les épiceries asiatiques, c'est un jeu d'enfant. Sinon, il faut prendre un long couteau, frapper la papaye verte avec le côté tranchant dans le sens de la longueur de façon à obtenir de profondes stries. Puis passer le couteau à plat le long de la papaye pour obtenir des filaments de papaye assez épais.
- Découper le citron vert en petits quartiers en conservant la peau
- Dans un grand mortier, commencer par écraser les gousses d'ail jusqu'à obtenir une pâte.
- Ajouter le piment coupé en quatre, piler.
- Ajouter le citron vert et appuyer vigoureusement sur chaque morceau avec le pilon. Ceci est important pour libérer le goût du zeste.
- Ajouter la papaye et les carottes. Chaque fois on ajoute une poignée et on tape délicatement
- Ajouter alors les tomates et les piler doucement
- Ajouter le sucre et le sel, et remuer
- Pour mieux supporter le Pa Dhek, je conseille de le faire bouillir quelques minutes afin qu'il se range un peu des odeurs.
- Délayer la pâte de crabe dans le Pa Dhek ou le Nuoc Mam et l'ajouter dans le mortier, mélanger encore.
- Ajouter enfin les deux petits crabes fermentés
- Corriger l'assaisonnement. Traditionnellement, c'est le moment où la jeune fille souriante vous tend une cuillerée de salade pour que vous goûtiez sa préparation à même la cuillère. Soit vous lui répondiez par un "Seeb Lay", "très bon", appuyé, soit vous courriez éteindre le feu qui vous prenait le palais "Phet Phot", "Hhoua, trop piquant". Une dernière indication pour la route, méfiez-vous de la jeune fille qui pleure en préparant votre Tam Mak Khrung, car ensuite ce sera à vous de pleurer!
- Et voilà. L'autre soir, sur les coups de 18 heures, j'ai débarqué au bureau avec quelques bières et une salade de papaye pas piquée des verts. Quasiment tous on pu le manger, seul Omar a dû ingurgiter 3 cafés pour passer le goût du Pa Dhek...
Jolie salade !
RépondreSupprimerBisous
C'est vraiment appétissant !
RépondreSupprimerTypique de la cuisine lao: goût unique, fraicheur des ingrédients, pleine de saveur grâce aux innombrables herbes aromatiques.
L'évocation de la vie tranquille de Vientiane donne envie de voyager...
;-)
bravo pour le blog.
En cambodgien, on a nomme "bok lehong", je pense que ça signifie la même chose en loatien. Et elle se fait dans un mortier avec des crevettes séchés, citron et beaucoup de piment, sinon c'est moins bon ;)
RépondreSupprimerOui, tu as raison.
RépondreSupprimerJ'ai vérifié, et étymologiquement,"bok lahong" veut dire Papaye délicatement tapée. Tam en Lao veut dire taper, et Mak Hung veut dire papaye. Nous partageons donc bien la même salade.
Avec l'Amok que tu m'avais déjà signalé, ça fait deux.
D'ailleurs, les langues Lao et Khmer, toutes deux monosyllabiques, partagent également bon nombre de leurs mots composés (comme téléphone : Toorasap dans les 2 langues), qu'ils ont empruntés au sanscrit et au Pali.
J'adore ton blog. Je viens de le découvrir en cherchant une recette de rau muong. Ce que j'aime le plus, c'est comment ca me rappelle la cuisine de ma mère, vietnamienne. Merci beaucoup.
RépondreSupprimerEn tout cas, merci pour ces recettes.
RépondreSupprimerSalut Kha ! une fois je plus je passe par le Thamahung pour te contacter, vu que email, telephone et skype ne repondent plus... vite, contact moi, merci et bon appetit !!!
RépondreSupprimerSalut Kha ! une fois je plus je passe par le Thamahung pour te contacter, vu que email, telephone et skype ne repondent plus... vite, contact moi, merci et bon appetit !!!
RépondreSupprimerHum, une véritable invitation au voyage ! Je suis fan d'asie et du laos... ca me rappele bien les saveurs de la bas. Merci pour ton blog !
RépondreSupprimerTrès bonne recette, merci beaucoup!
RépondreSupprimerpour avoir vecu au laos, je signe.super blog!!!
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