C'était une blague récurrente quand j'invitais quelques amis à me rejoindre pour un dîner à la maison, et qu'ils me demandaient ce qu'ils pouvaient apporter, il m'arrivait de leur répondre : "Une dorade..." ... bonne chance.
Voici un plat familial bien classique, savoureux pour peu que l'on trouve le bon poisson. Le meilleur que j'ai goûté, c'était sur un îlot au large de Koh Yao Noi en Thaïlande. Le soleil était au plus haut et encore trempés de nos séances de chasse sous-marine, nous avons accosté sur la petite plage de sable blanc entourée de pics rocheux, à la recherche d'un petit coin tranquille pour notre pique-nique. Nous avions naturellement en tête de passer à la casserole notre pêche du matin qui comptaient quelques beaux spécimens, et quelle chance nous eûmes de rencontrer ce petit groupe de pêcheurs qui picolaient à l'ombre, dans une espèce de gargotte abritée dans l'anfractuosité de la roche. Le feu de bois était prêt, ils avaient du riz, du Nuoc Mam et presque tous les ingrédients nécessaires. Fê, la nounou de nos enfants s'est précipitée vers eux, et ils nous invitèrent gentiment à profiter de leur modeste installation. J'ai cette image gravée dans ma mémoire de Fê qui découvrait la mer (elle est Lao, et le Laos n'a aucun accès à la mer) et le snorkling, et qui ne quittait pas son masque de plongée, même en cuisinant.
Hier, en passant devant le poissonnier (poissonnerie Saint Pierre dans le 20ième), j'ai trouvé de magnifiques Dorades royales sauvages. La plus petite faisait 1,5 kilo. Je suis pas snob, et pour certains plats, poisson d'élevage ou poisson sauvage, cela ne fait pas grande différence. Mais pour ce qui est de cette préparation, le goût de la dorade est très bien préservé, et j'insiste pour trouver le bon poisson, quitte à renoncer à préparer le plat. Au pire, la chair est sèche, sans trop de goût, fade. Or la Dorade Royale, sauvage qui plus est, possède une chair magnifique, fine et pas trop grasse, et qui se détache toute seule au bout des baguettes. Bref, parfaite.
Pour bien choisir la dorade, il y a quelques trucs : il faut que les yeux soient bien brillants et bien noirs, les ouïes bien rouges, et le ventre bien ferme (n'hésitez pas à tâtonner le ventre pour en tester la fermeté). Surtout, quand on touche la dorade, le contact ne doit pas être visqueux.
La préparation est simplissime. Si on prévoit de cuisiner le poisson le soir même, ce que je conseille, on pourra même demander au poissonnier de le préparer (ébarbé, écailler, vidé), on s'évitera ainsi un évier à nettoyer, une poubelle à vider, et quinze bonnes minutes de préparation.
On dit qu'il faut éviter les fritures pour les poissons, je suis d'accord en général, mais là, on met peu d'huile, et la cuisson est franchement parfaite. J'adore la peau croustillante, doublée d'une chair fine et savoureuse.
Sur ce, voici ma recette (que je tiens de ma maman, bien sûr).
Ingrédients
- Une belle dorade royale sauvage 1,5 kg
- 4 grosses gousses d'ail
- 1 belle échalote émincée
- 1 poignée de coriandre
- huile d'arachide
- 10 cas de Nước Mắm
- 1 quart de citron
- 1 piment rouge émincée (éventuellement)
- 4 sucres en morceaux
- 1 petit bol de farine de blé
- sel et poivre
Préparation
- Préparer la Dorade si le poissonnier ne l'ai déjà fait
- Faire trois incisions profondes de chaque côté du poisson
- Bien sécher la peau avec un essuie tout pour éviter qu'elle ne prenne trop de farine
- Répandre la farine sur un plan de travail et y mêler un peu de poivre fraîchement moulu
- Y rouler la dorade, et lorsqu'elle est uniformément enfarinée, la soulever par la queue et la tapoter pour détacher le surplus de farine. On ne doit conserver qu'une fine couche de farine
- Émincer deux gousses d'ail ainsi que l'échalote
- Faire chauffer un peu d'huile d'arachide dans une poêle. Pas trop d'huile, mais suffisamment pour assurer le contact entre la surface chaude et la peau du poisson
- Lorsque l'huile est chaude, y mettre à feu doux l'ail et l'échalote et les faire dorer
- Lorsque l'ail et l'échalote sont dorés, filtrer l'huile et réserver l'ail et l'échalote. Pour que celles-ci restent croustillantes, il faut les conserver au chaud dans une passoire (pas dans un bol ni un essuie-tout)
- Réchauffer l'huile et ajouter alors la dorade sur feu moyen. Cuire en gros 7 minutes de chaque côté. Lorsque le poisson est bien cuit, sur l'arête dorsale, la peau et la chair se décollent tout seul.
- Pendant la cuisson de la dorade, dissoudre les 4 morceaux de sucre dans un quart de verre d'eau, et faire chauffer dans une casserole, jusqu'à ébullition. Couper immédiatement le feu.
- Y écraser deux gousses d'ail, ajouter éventuellement le piment émincé, un trait de citron (on presse une seule fois le quart de citron), et ajouter le Nuoc Mam. Un de mes lecteur et ami, Florent, qui vient de découvrir mon blog, me fait très justement remarquer qu'en fonction des marques, la sauce Nuoc Mam est plus ou moins salée. Il a tout à fait raison (et puis c'est un très bon cuisto, je me rappelle également de son Tom Yam Kung). Le mieux c'est de goûter au fur et à mesure de l'ajout du Nuoc Mam.
- Quand la dorade est cuite, la sortir de la poêle et la déposer délicatement sur un plat creux.
- Éliminer le trop plein d'huile et ne conserver que quelques cuillerées à soupe. Puis, déglacer la poêle avec la sauce préparée. Gratter bien les sucs avec une spatule, puis verser la sauce sur le poisson.
- Parsemer alors sur le poisson l'ail et les échalotes grillées, ainsi que le coriandre haché grossièrement.
- Servir immédiatement.
Hier, le poisson était divin, et la cuisson parfaite. Bon, je ne sais pas prendre les photos comme Lionel, mais enfin, c'est quand même mieux que ma première tentative (qui m'a empêché jusque là de publier la recette), avec ce blog, avec les conseils de Lionel, et surtout avec mon Finepix Fuji, j'ai carrément progressé.