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J’ai toujours vécu la cuisine comme une expérience sociale: on cuisine pour les autres, pour les siens et pour soi, et on s’enrichit mutuellement des moments de vie ainsi créés. Et ce qui est vrai chez soi l’est encore davantage lorsque l’on traverse le monde, avec dans ses bagages son héritage culinaire. Et de ce point de vue, avec ce sang Lao, ce sang vietnamien, cette éducation en France, j’étais plutôt bien pourvu pour cette expérience. J’aime manger, découvrir et partager d’autres goûts, et l’objet de ce blog est de poursuivre ce partage.  

mardi 11 mai 2010

La vraie salade de papaye laotienne

Tam Mak Krung  - Salade de Papaye verte laotienne

Tous les soirs au Laos, nous avions une tradition à Vientiane, celle de se retrouver sur une Sala (terrasse en bois) sur le bord du Mékong, afin de débriefer la journée, retrouver les amis et en rencontrer de nouveaux. Invariablement la table se couvrait alors de petites assiettes de Salade de papaye, de saucisses Lao, de Som Mou (Nem Chua en viet, ce qui correspond à du porc cru fermenté) le tout copieusement arrosé de bière Lao.
J'en ai passé des heures sur la Sala Kunta qu'Alain Thiollier alors attaché culturel de l'Ambassade de France avait permis d'ériger en face de chez lui en faisant don à une famille Lao, du bois de ce gigantesque Banyan Tree abattu dans son jardin. Il y avait posé une seule condition : que la musique s'arrête à son arrivée, car très vite cette belle terrasse est devenue une annexe de l'ambassade.
J'ai retrouvé une vielle photo de 90 d'un début de soirée venteux sur la Sala Kunta, qui immortalise la signature du contrat de la bibliothèque nationale avec Geoffroi, Alain et moi-même, complètement hilares et entourés d'innombrables bouteilles de bière.
La salade de Papaye est le plat emblématique du Laos. Là-bas, on l'appelle Tam Mak Hung (ethymologiquement Taper le fruit du papayer), alors qu'en Thailande, on l'appelle Tam Som, la principale différence tenant à l'utilisation du Pa Dhek déjà évoqué dans un article précédent. Le plat est emblématique, car lorsqu'en Thaïlande je dis que je suis Lao (ou Thaï isaan), invariablement on me répond dans l'hilarité générale : et tu manges le Tam Mak Hung avec du Pa Dhek ?
Ainsi, de l'autre côté du Mékong, on cuisine ce plat avec du Nuoc Mam, ce qui est beaucoup plus fade. La difficulté, évidemment, c'est de trouver du Pa Dhek en France. Personnellement, je le rapporte directement du marché de Vientiane.


Il existe un nombre infini de variantes à ce plat dont:
- avec des vermicelles de riz
- avec du concombre à la place de la papaye verte (Tam Mak Teng)
- avec des crabes fermentés et de la sauce de crabe (Nam Pou) pour les originaires de Luang Pra Bang
pour ne citer que celles-là.

Quand je pense salade de Papaye Lao, personnellement quelques goûts très caractéristiques me montent immédiatement en bouche :
- le goût du zeste de citron pilé avec sa peau
- la papaye verte bien croquante
- le goût un peu sucré de la sauce de crabe (Nam Pou que l'on trouve dans les épiceries asiatiques)

A noter qu'en Thaïlande, on y ajoute des crevettes séchées, des haricots long émincés et des cacahuètes, mais franchement, ce n'est pas le même plat.

Quand à la garniture du plat, on trouve obligatoirement de la couenne de porc frit (Khep Mou en vente dans les épiceries asiatiques et brésiliennes), des tiges de liserons d'eau croquantes, et éventuellement quelques feuilles de chou.

Voici donc la recette que je trouve la plus authentique, et que l'on peu goûter au restaurant Duang Chan à Paris 13ième.

Ingrédients

  • Une demi papaye verte
  • 2 carottes
  • 6 tomates cerises bien sucrées
  • Un citron vert avec sa peau
  • 1 cas de sucre en poudre
  • une ccf de pâte de crabe (Attention, utiliser du Nam Pou et pas du Kapi, c'est du crabe mais ça n'a rien à voir tant l'un est salé et l'autre sucré)
  • 4 cas de Pa Dhek (que l'on peut remplacer donc par du Nuoc Mam pfff..)
  • 3 gousses d'ail
  • 2 petits crabes fermentés que l'on trouve congelé à Paris Store
  • 1 à 4 piment rouges (franchement, pour Paris, un seul piment suffit)
  • Pour la garniture, et par ordre d'importance : un sac de couenne de porc frite, quelques tiges de Liserons d'eau (Phak Bong) et quelques feuilles d'une boule de choux.
  • 1 pincée de sel

Préparation

La préparation se fait dans un mortier juste avant de servir, sinon l'ail sera trop fort et la papaye moins croquante. On ajoutera les ingrédients un par un en mélangeant en permanence avec une cuillère. Si vous êtes déjà allés au Laos ou même en Thaïlande, alors vous avez forcément observé un jour ce geste gracieux et immémorial de la jeune fille préparant la salade de papaye.



  • Commencer par râper la papaye et les carottes après les avoir épluchées. Si vous avez un couteau spécial que l'on trouve dans les épiceries asiatiques, c'est un jeu d'enfant. Sinon, il faut prendre un long couteau, frapper la papaye verte avec le côté tranchant dans le sens de la longueur de façon à obtenir de profondes stries. Puis passer le couteau à plat le long de la papaye pour obtenir des filaments de papaye assez épais.
  • Découper le citron vert en petits quartiers en conservant la peau
  • Dans un grand mortier, commencer par écraser les gousses d'ail jusqu'à obtenir une pâte.
  • Ajouter le piment coupé en quatre, piler.
  • Ajouter le citron vert et appuyer vigoureusement sur chaque morceau avec le pilon. Ceci est important pour libérer le goût du zeste.
  • Ajouter la papaye et les carottes. Chaque fois on ajoute une poignée et on tape délicatement
  • Ajouter alors les tomates et les piler doucement
  • Ajouter le sucre et le sel, et remuer
  • Pour mieux supporter le Pa Dhek, je conseille de le faire bouillir quelques minutes afin qu'il se range un peu des odeurs.
  • Délayer la pâte de crabe dans le Pa Dhek ou le Nuoc Mam et l'ajouter dans le mortier, mélanger encore.
  • Ajouter enfin les deux petits crabes fermentés
  • Corriger l'assaisonnement. Traditionnellement, c'est le moment où la jeune fille souriante vous tend une cuillerée de salade pour que vous goûtiez sa préparation à même la cuillère. Soit vous lui répondiez par un "Seeb Lay", "très bon", appuyé, soit vous courriez éteindre le feu qui vous prenait le palais "Phet Phot", "Hhoua, trop piquant". Une dernière indication pour la route, méfiez-vous de la jeune fille qui pleure en préparant votre Tam Mak Khrung, car ensuite ce sera à vous de pleurer!
  • Et voilà. L'autre soir, sur les coups de 18 heures, j'ai débarqué au bureau avec quelques bières et une salade de papaye pas piquée des verts. Quasiment tous on pu le manger, seul Omar a dû ingurgiter 3 cafés pour passer le goût du Pa Dhek...

dimanche 9 mai 2010

Légumes en saumure aux pieds de porc

Som Phak Tin Mou  - Légumes fermentés aux pieds de porc

A l'occasion du dernier Pi Maï, nous avons organisé un super pique-nique en face de la pagode Vincennes. Les Lao en sont les champions, car leur cuisine se prête à merveille à l'exercice. J'ai ainsi le souvenir de merveilleux piques-niques champêtres aux alentours de Vientiane : sous les cascades, dans les bois, sur le bord du Mékong ou encore à Tha Ngon pendant ces beaux après-midi de pêche à la ligne.

Ce week-end, nous étions une bonne trentaine, et du coup, comme à mon habitude, j'ai appelé Kong Keo à la rescousse, et nous avons organisé un repas d'anthologie.


Parmi les 7 ou 8 plats préparés, il y avait ce pur délice de la cuisine Lao, les "Som Phak Tin Mou" que l'on pourrait donc traduire par : Légumes en saumure aux pieds de porc, ce qui est un assez bon descriptif de ce plat.

Légumes en saumure aux pieds de porc
Voici une assiette bien garnie. Grillades de poulet, boulette de

viande, et les légumes fermentés aux pieds de porc

J'allais oublier. Le dessert ... Le magnifique et très classique de Kong Keo, le Riz noir au flan de Coco. La photo parle d'elle meme. Tout simplement sublime.

Riz noir au flan de coco
Mais revenons à nos pieds de porc. Mon ex-belle mère avait l'habitude de m'en préparer quelques pots à la veille de mon départ de Vientiane, de façon à ce que je n'en manque pas, une fois arrivé à Paris. C'est un plat de longue haleine, et l'on peut le conserver au frigo une ou deux semaines. J'ai demandé à Kong Keo de m'en donner la recette, et ce week-end, je me suis lancé dans la préparation de quelques pots de ce plat merveilleux. Je vous en livre ici les secrets de fabrication.

Lap de dinde

A noter que l'on a un autre plat du même type dans la cuisine Viet, et je me rappelle l'avoir souvent préparé pendant l'été avec ma mère. Il s'agit du Dua Chau ou Dua Mang. (le mot important étant le Dua qui se prononce Ye en Vietnamien). On découpe les légumes (carottes, navets, choux, etc.) et on les laisse sécher au soleil. Puis on les conserve dans du Nuoc Mam, du sucre, de l'ail, du vinaigre, etc. J'en ferai très bientôt et j'en posterai la recette. Mais pour l'heure, voici restituée la recette de ces légumes fermentés aux pieds de porc.

Ingrédients

  • Un sachet (700gr) de Yiu Chai, qui est un légume chinois apparenté à du jeune chou. On le distingue à ses fleurs jaunes et à ses tiges épaisses
  • 1 cas de sel
  • 4 gousses d'ail
  • 10 tiges de jeunes oignons découpés en tronçons de 5 cm.
  • 1 boule de riz gluant (pour la fermentation)
  • 2 pieds de porc (antérieurs). Les pieds postérieurs sont trop gras (si si, je vous assure que les bouchers font la différence et qu'ils ne vous riront pas au nez)
  • 1 quart de boule de chou
  • 1 morceau de jeune gingembre (l'équivalent d'un sucre en morceau au moment du service)
  • 1 piment rouge (toujours au moment du service)

Préparation

  • Bien laver les légumes et les essorer
  • Les disposer sur un plateau, et les faire sécher une journée au soleil
  • Idem pour les feuilles de chou
  • Le soir, découper les feuilles en lamelles de 1cm de large. Découper les tiges en tronçons d'un cm de hauteur. Les disposer dans un récipient fermant hermétiquement à la base assez large.
  • Ajouter alors une cas de sel, et ajouter de l'eau jusqu'à recouvrir les feuilles. Un verre devrait suffire.
  • Ajouter alors l'équivalent d'une boulette de riz gluant cuit. Si celui-ci n'est pas cuit, il suffit de mettre un verre d'eau à bouillir, d'y ajouter une cas de riz gluant, et de faire cuire jusqu'à ce que le riz soit bien pâteux. C'est le riz gluant qui va déclencher la fermentation.
  • Laver et découper les jeunes oignons en tronçons de 5 cm et les ajouter au mélange
  • Hacher les trois grosses gousses d'ail et les ajouter au mélange. Bien malaxer, puis fermer le couvercle et laisser fermenter deux ou trois jours à température ambiante.
  • Trois jours plus tard, bien nettoyer les pieds de porc et veiller à ne pas laisser dessus de poils drus. On pourra éventuellement les brûler sur une flamme.
  • Les faire bouillir une bonne heure à feu fort, puis les sortir et en extraire le gras et le cartilage. Découper le tout en petites bandelettes.
  • Ouvrir le récipient hermétique, et ajouter les pieds de porc. Bien malaxer, corriger l'assaisonnement et refermer hermétiquement. Conserver toujours à température ambiante
  • On peut commencer à déguster le plat dans la demi-journée qui suit, mais le mieux est d'attendre encore une journée.
  • Dès que la fermentation vous convient, il faut conserver le mélange au frigo, ce qui ralentira le processus.
  • Pour le service, prendre un cube de gingembre (jeune) et le hacher finement.
  • Hacher grossièrement un piment rouge, et extraire l'équivalent d'un bol. Ajouter le piment et le gingembre, bien mélanger, et servir.
  • Ce plat accompagne les repas Lao, et est donc servi avec du riz gluant ou du riz parfumé.
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